Jeudi 1° avril.
Après la randonnée matinale effectuée autour du gîte nous prenons la route du littoral en repartant direction Cayenne pour atteindre le carrefour de Mana situé à PK 189 et emprunter la D8.
Avant de rejoindre le village proprement dit à environ 30 km nous nous arrêtons 5 min après le carrefour à l'entrée du sentier des sables blancs. Un parking bien visible sur la droite permet un stationnement aisé.
En Guyane les forêts sur sables ont une répartition très limitée et elles se caractérisent par un fort taux d'endémisme à savoir qu'on y trouve des espèces végétales n'existant que dans ce type d'habitat. En ce qui nous concerne la seule différence apparente à nos yeux de profane est cette immense plante verte dont nous découvrirons le nom un peu plus tard sur un autre sentier. Il y en a partout en forêt. Pour le reste rien de bien nouveau mais cela ne nous gêne pas le moins du monde car l'essentiel est de cheminer au milieu de ce dédale de verdure.
Et parfois être surpris par l'apparition de la touche de couleur d'une plante à la forme extraordinaire.
Le sentier est agréable à pratiquer surtout lorsque le sable l'emporte sur la latérite. Avec un sol pauvre en nutriments, la végétation s'est adaptée et le sous-bois est souvent clairsemé et lumineux avec des plantes plus petites et par conséquent une canopée plus basse. Moins de végétation c'est aussi moins de graines et moins de fruits donc moins d'oiseaux.
C'est pourquoi la rencontre avec ce gros hocco pris en flagrant délit au milieu du sentier fut une très belle surprise !
Cette boucle de 4 km rapidement exécutée en 1 h, nous reprenons le volant pour passer à la visite touristique du village de Mana. La petite route que nous empruntons est bientôt parallèle au bord de côte qui se trouve à trois km environ, par moment une trouée forestière nous permet de voir au loin et nous rendre compte du travail important des cultivateurs de la région. Je l'ignorais mais la Guyane est le seul département d’outre-mer à cultiver le riz et ainsi assure la totalité de ses besoins, le reste de la production étant expédiée vers l'Union Européenne.
Nous apercevons le pont qui traverse le fleuve, signe que nous serons arrivés dans 5 minutes. Mana va nous offrir l'aspect d'un vieux village avec ses maisons en bois et une ambiance très sereine. C'est une commune riche de son passé original marqué successivement par l'influence de la congrégation de Saint-Joseph de Cluny et par la ruée vers l'or bien entendu.
Nous nous garons à côté de l'église et dans notre dos se trouve justement la maison de la congrégation des sœurs de St Joseph de Cluny, plus ancienne construction du village. Un peu d'Histoire. Les premiers essais de colonisations vers 1800 sont de véritables échecs, la fièvre comme souvent, anéantit la population. Je vous invite à poursuivre cette partie de l'histoire sur internet et vous y découvrirez le récit étonnant de 4 familles jurassiennes qui s'en étaient plutôt pas mal sorties. Toujours est-il que pour réussir cette installation on fit alors appel à la mère Anne-Marie Javouhey, supérieur et fondatrice de l'ordre de Cluny qui s'était fait une belle réputation avec son œuvre au Sénégal. Arrivée en 1828, elle contribuera à la mise en valeur de cette partie du territoire jusqu'en 1843. Aujourd'hui encore cette maison a pour vocation première l'éducation des enfants.
Autre bâtiment important, l'église St Joseph bien sûr. Elle a été bâtie entièrement en bois en 1840 et vers 1940 des bagnards ont repeint l'édifice et ont transformé le plafond en un ciel étoilé. Malheureusement nous ne le verrons pas car l'église était fermée.
Le bâtiment suivant assez commun pour la région a pourtant une histoire intéressante. Il s'agit d'un "home indien". Aujourd'hui transformé en centre de retraite spirituel, il faut savoir qu'à l'origine cette maison, et bien d'autres sur le territoire, servait à accueillir en internat les jeunes garçons ou les jeunes filles amérindiens les plus éloignés le long des fleuves pendant leur scolarité. Ces écoles religieuses ont bien sûr été fermées avec la généralisation de l'école publique et les enfants sont aujourd'hui accueillis dans des familles mais le problème reste entier car cette jeune population est très vulnérable psychologiquement.
Pour les fanas d'aérien, il faut savoir qu'il y a de nombreuses écoles de pilotage d'Ulm et j'espère bien un jour vous montrer des images de la Guyane vue du ciel !
Avant de retourner dans le bourg, un passage devant le tamarinier situé au bord du fleuve s'impose. Cet arbre tortueux aurait été planté par un certain Gabaret au temps où Mana ne pouvait être atteint que par le fleuve (vous avez remarqué l'ancien ponton ?) et selon la transmission orale au moment de la ruée vers l'or. Il aurait planté cet arbre pour protéger sa ville d'adoption des esprits malins et les personnes venant à Mana ne pouvaient qu'aborder la rive par ce ponton et par conséquent passer sous les branches de cet arbre protecteur. Si d'aventure l'un des nouveaux venus avait des pouvoirs maléfiques, alors ceux-ci étaient aussitôt inopérant. Pendant notre séjour, en septembre 2020, une branche s'est cassée et l'arbre menaçait de tomber, évidemment interdiction totale de le couper et malheur à celui qui oserait. Une entreprise est alors intervenue pour étayer cette arbre bicentenaire et "nettoyer" correctement la plaie ouverte par la casse. Ce fut l'occasion d'une grande fête, l'arbre était sauvé et le village sera encore protégé pour longtemps.
Après ce moment ésotérique, nous reprenons notre pérégrination dans le bourg et quelques fresques sur les murs illustrent des petites histoires de Mana.
Ce qui va ensuite nous frapper c'est le nombre de maisons créoles encore debout. Rien à voir avec Cayenne. Ici c'est encore le mode d'habitation commun. De temps en temps une maison sur trois niveaux, rares, et surtout le signe d'une certaine aisance sociale.
Cette maison "moderne" est l'ancienne prison du village, elle abrite aujourd'hui la radio locale ouassailles, vous avez remarqué le jeu de mot ? Wasaï, le fruit du palmier pinot.
Cette visite très intéressante nous a ouvert l'appétit et surtout la soif car nous avons effectué ce tour en plein midi et il n'y a pas d'ombre en ville. On recherche alors un restaurant que l'on nous a conseillé et qui paraît-il sert des ravioles de poissons à tomber ! Nous le trouvons aisément et espérons qu'il y restera 2 places. Hourra ! on s'installe à l'ombre, on commande une bonne boisson fraîche et ensuite on va passer un super moment gastronomique. Les ravioles sont effectivement succulentes et mon tournedos de buffle se révèlera d'une grande tendreté.
Après avoir repris des forces nous quittons Mana en début d'après-midi pour filer sur Awala-Yalimapo et c'est une autre histoire...
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