Poursuivant nos visites, nous nous éloignons un peu de Cayenne pour prendre la direction de Roura puis des marais de Kaw. 19 km après Roura nous pénétrons dans la réserve naturelle régionale Trésor. C'est l'une des régions les plus arrosées de Guyane et malgré sa modeste dimension elle renferme plus de 1000 espèces végétales et 100 espèces de fourmis. Un petit parking parfaitement visible sur la droite de la route nous permet de garer le véhicule en toute sécurité et il y a même une maisonnette avec son exposition de documentation hélas fermée à notre arrivée. Quoiqu'il en soit nous entamons la promenade sans plus attendre.
Dendrobate à tapirer |
2 sentiers pédagogiques ponctués de totems explicatifs vont nous permettre de nous familiariser encore un plus avec les merveilles de la faune et la flore guyanaises. Comme toujours végétation luxuriante et forte humidité vont constituer notre environnement principal. Il faut être vigilant et marcher le plus silencieusement possible pour espérer voir un animal et depuis le début de nos randonnées Béatrice attend avec impatience de tomber nez à nez avec sa première grenouille fluorescente. Ce sera chose faite aujourd'hui !
Si elle n'avait pas bougé nous ne l'aurions pas vue mais étant au milieu du sentier nos chemins se sont croisés. Il a donc fallu qu'il nous évite, lui, le Dendrobate à tapirer. Et voici notre première grenouille avec une couleur jaune très vive. Pour ce qui ne le savent pas, sa couleur informe le prédateur qu'il y aurait danger à la manger. Pas touche ! La substance vénéneuse sécrétée par sa peau est une source de poison pour les chasseurs amérindiens qui l'utilisaient aussi pour un usage totalement inattendu. Imaginez-vous qu'ils en frottaient la peau de jeunes perroquets et les plumes normalement vertes, poussaient alors en prenant une teinte rouge vif dont ils pouvaient se parer. Ainsi le dictionnaire français contient un verbe à la signification unique, tapirer, qui signifie "colorer artificiellement les plumes d'un perroquet en jaune ou en rouge".
Après cet intermède grammatical, reprenons notre progression. La forêt est calme ce qui nous permet de localiser rapidement un nouveau fuyard qui ne nous a pas encore entendu, un agouti. Nous approchons suffisamment pour le prendre en photo puis il détale sans demander son reste. La balade se poursuit au milieu de grands arbres et nous respirons l'air pur, mais très humide, à plein poumons.
Nous croisons inévitablement aussi l'autoroute des fourmis Atta qui utilisent souvent le sentier comme itinéraire de prédilection. Guère agressives, nous pouvons les observer à loisir jouer leur rôle de défoliatrice. C'est par dizaines que nous les apercevons dodelinant et transportant entre leur mandibules un fragment de feuille fraîchement cisaillée (voir l'article Roura et les fourmis). Elles stockent toute cette matière végétale dans les galeries de leur fourmilière pour y cultiver un champignon filamenteux dont la moisissure sera à la base de l'alimentation des millions d'ouvrières que compte chaque colonie.
Nous arrivons vers la fin du sentier lorsque des craquements nous immobilisent sous l'effet de la surprise car le bruit est important mais nous ne voyons rien, il faut dire que la forêt est dense à ce moment-là. Je pense tout d'abord à un chien que son maître aurait laissé vadrouiller puisque nous avions entraperçu d'autres promeneurs. Finalement nous finissons par apercevoir le coupable de ce vacarme ou plutôt les coupables car il s'agit d'une harde de sangliers appelés ici cochon bwa. Ils détalent comme des dératés dès qu'ils nous sentent et je n'ai pas le temps de les photographier, l'important est de les avoir vu de nos propres yeux !
Où est le passage ? |
Il nous aura fallu environ 1 h 30 pour parcourir les 2 sentiers en prenant le temps de l'observation. Nous rejoignons notre véhicule et poursuivons pendant une vingtaine de kilomètres supplémentaires en direction de Kaw jusqu'au PK 41,9 juste avant une scierie. Là, sur notre gauche, démarre le sentier de Coq de roche. Ce chemin très court (1,2 km) va nous permettre d'accéder au plus grand site connu de nidification du Coq-de-roche sur la douzaine d'identifiés.
Le sentier très rocailleux descend en pente douce jusqu'à un observatoire composé de 2 parties. Une zone forestière où a lieu la fameuse parade nuptiale avec son arène nommée Lek puis une zone de grottes où la femelle ira construire son nid.
Coq de roche (mâle) |
Comme toujours avec les animaux en pleine nature, ce sont eux qui commandent et si ce jour nous n'assisterons pas à une parade en revanche nous allons avoir la chance de pouvoir apercevoir de beaux spécimens mâles de cet oiseau à la couleur éclatante. Nous allons rester sur place 30 minutes , avec la pause café, ce qui va nous permettre de voir les allées et venues de plusieurs membres de cette famille de volatiles. Endémique à la Guyane, il possède une magnifique crête de plumes qu'il arbore toujours hérissée.
La femelle que nous ne verrons pas est de couleur marron-chocolat. Elle va construire son nid dans les grottes situées sous cet observatoire à l'abri des prédateurs et va couver ses œufs pendant un mois. A partir d'avril, toute la colonie va disparaître, sûrement au niveau de la canopée ce qui rend leur observation impossible. Nous avons encore eu de la chance et nous reviendrons une autre fois en espérant tomber sur une parade nuptiale. Profitons déjà de ce beau moment !
Ci-dessous, graine de Clusia Grandiflora, liane épiphyte qui finit par devenir arbre à sa maturité.
Hélas mon dictionnaire LA rousse ne contient pas le mot TAPIRER, j'ai été vérifier lol En revanche, encore de bien belles couleurs dans ces photographies!
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