Située à 110 km de Cayenne sur la RN1, la petite commune de Sinnamary offre plein de possibilités de promenade et surtout elle est le lieu incontournable pour qui veut voir les ibis rouges.
Nous avons donc pris la route un samedi matin de bonne heure (bien avant le confinement) et nous sommes rendus au P.K. 118,7 un peu après Sinnamary, au lieu dit carrefour de Saint Elie. Nous empruntons la route qui part à gauche sur environ 16 km et bientôt le bitume laisse la place à la latérite, nous sommes arrivés. Un sentier botanique d'une longueur de 2,5 km démarre sur notre droite.
Avant de l'emprunter nous allons repérer le carbet communal pour le cas où nous aurions besoin de dormir dans le coin et nous trouvons une belle structure prête à accueillir facilement une douzaine de hamacs (sur réservation). En revanche le coin toilette n'a pas résisté aux assauts du temps.
Pour la petite histoire (guide de Guyane de Philippe Boré) la piste de Saint Elie devait rejoindre la capitale de l'orpaillage légal, Saint Elie, vers 1969. Finalement seul un sentier pédestre y parviendra mais aujourd'hui il a disparu sous les 35 mètres d'eau du barrage de Petit Saut.
Il est temps de parcourir le sentier botanique qui comprend de très nombreuses espèces d'arbres et nous allons même passer par de la forêt primaire. La nature va encore nous offrir un beau spectacle comme cet héliconia à tige rouge dont il existe près de 200 sortes ou encore ce tressage naturel dessiné par le croisement des feuilles d'un palmier poubelle spécialiste en recyclage des végétaux.
Une autre chose va attirer notre attention c'est le nombre incroyable de toiles d'araignées . Et il y en a pour tout le monde. Des aériennes plutôt traditionnelles mais aussi des moins communes comme celle que nous trouvons au sol et nous reconnaissons alors le "terrier" d'une Theraphosa, la célèbre mygale en Guyane. On aura beau essayer, pas de mouvement devant sa cache, elle est sans doute partie à la chasse !
Nous poursuivons notre chemin et ouvrons grand les yeux pour ne pas manquer le spectacle. Ici encore une fleur qui vient éclairer le vert de la végétation ou un papillon bleu qui tente de passer inaperçu, plus loin une grosse termitière solidement accrochée à un tronc.
Vous avez remarqué les fourmis sur les deux plantes ci-dessus ? Sinon un autre petit animal est venu se laisser approcher, un lézard pas farouche du tout.
En revanche, un peu plus tard, nous avons dû faire preuve d'un peu plus de vigilance car nous sommes tombés, presque nez à nez, avec des mouches à feu dont le nid est toujours subtilement accroché sous une grande feuille. Comme son nom l'indique piqûre douloureuse en cas d'attaque et un seul mot d'ordre, courir !
On est passé sans heurt et on continue notre découverte de la forêt avec ses lianes toujours aussi excentriques, un vrai sac de nœuds !
Nous finissons notre piste après 2 h 30 de marche entrecoupée de prises de photos et d'observations. Encore 2 oiseaux et un papillon à notre portée et nous nous installons pour un pique-nique de luxe (merci Laurent pour la boisson) et remontons en voiture pour rejoindre la nationale 1.
En chemin nous bifurquons, peu avant la nationale, sur la droite pour aller jusqu'à la crique Toussaint qui possède aussi un petit carbet. Se faisant nous sommes en plein paysage de savane et bientôt un troupeau de buffles fait son apparition. Quel changement après la forêt primaire ! Nous faisons une petite halte pour observer les animaux lorsque nous apercevons une aigrette blanche tenant un énorme poisson dans le bec, il semble vraiment trop gros pour elle pourtant elle va s'envoler avec.
Les oiseaux évoluent sereinement au milieu du troupeau et cette fois c'est un tout petit volatile que nous détectons juste devant un buffle imposant. Regardez bien la photo ci-dessous. Un petit corps noir et un ventre presque orange, c'est une sturnelle militaire, endémique de l'Amérique du sud. Ma collection de bêtes à plumes s’agrandit !
Comme nous avons encore du temps avant de rejoindre Sinnamary pour la sortie en pirogue, nous poursuivons nos visites de criques en allant à celle nommée Canceler. Située à 9 km de la commune en direction de Iracoubo, il faut prendre un chemin à droite indiqué Corossony. Encore 3 km de piste et on arrive au bord de l'eau. Cette crique sert d'exutoire au marais de Yiyi et son eau limpide est rougeâtre car justement filtrée par le marais. Quelques tables sont encore en bon état mais attention l'endroit est très fréquenté le weekend.
Nous avons rendez-vous à 17 h au débarcadère de Sinnamary près de l'ancien pont métallique et en passant le rond-point de la commune, pas de doute, c'est bien le territoire des ibis rouges.
Si la commune est historiquement connue comme étant le lieu de la première tentative de colonisation de la Guyane vers 1764, les fouilles archéologiques attestent de la présence de villages amérindiens. Cette tentative de colonisation, c'est la fameuse expédition de Kourou (voir les îles du Salut) et la perte de la moitié des 12 000 européens venus sur le sol guyanais pour "mettre en valeur ces terres françaises".
2 autres temps forts pour la petite commune, dès 1866 la découverte de gisements aurifères et en 1994 la construction du barrage de Petit Saut (voir Sortie à Petit Saut). Si la construction du barrage et l'implantation du Centre spatial quelques kilomètres plus loin furent sûrement des sources de nuisances n'oublions pas non plus que ce sont des sources de financement qui permettent ainsi à Sinnamary de disposer d'un stade omnisports d'une capacité de 700 places et d'une piscine municipale en inox, la première en Amérique du sud.
Nous trouvons le débarcadère (ou l'embarcadère ?) sans difficulté et Joseph, notre piroguier nous attend. Tout est prêt, il n'y a plus qu'à monter à bord et descendre le Sinnamary jusqu'à l'embouchure du fleuve située à une trentaine de minutes. Joseph nous explique que nous allons nous "poser" au milieu de l'embouchure et ainsi pouvoir assister à l'envol des ibis qui traversent le fleuve d'Est en Ouest pour rejoindre leur dortoir.
En attendant nous naviguons d'une rive à l'autre en fonction du courant et bientôt nos premiers ibis font leur apparition. On ne peut absolument pas les manquer tellement leur plumage est éclatant. Leur couleur est d'un rouge vif presque fluorescent (sauf les jeunes qui sont gris-bleus). C'est un magnifique volatile.
Nous arrivons à l'embouchure, côté rive droite, et nous avons déjà eu un beau spectacle mais on a encore rien vu ! Petite pause traditionnelle avec l'inévitable ty ponch offert par notre sympathique piroguier le tout accompagné de quelques salés que nous avions prévus pour que la fête soit totale !
Pendant ce temps nous pouvons toujours observer le ballet des ibis puis au bout d'une trentaine de minutes, Joseph reprend son cabotage et nous approche un peu de la rive pour nous faire découvrir un peu mieux la quantité d'oiseaux qui va bientôt prendre un envol définitif pour rejoindre la berge gauche du fleuve au-delà de notre champ de vision.
Le soleil décline de plus en plus rapidement, le spectacle peut commencer. A partir de maintenant les ibis vont nous survoler par groupe d'une centaine et ce sont des milliers d'entre eux qui finiront par atteindre les dortoirs. En vol serré mais confus, ils virevoltent au-dessus de la terre, donnent l'impression de se chercher puis à un signal seulement connu d'eux-mêmes, un groupe se forme et bientôt c'est une formation en V impeccable qui passe au-dessus de nous, c'est un véritable défilé du Quatorze juillet.
On pourrait rester des heures à admirer cette démonstration de voltige aérienne mais le soleil va bientôt disparaître et il nous faut rentrer car 1 h 30 de route nous attend pour rejoindre Cayenne. Joseph se met à chanter du Johnny en remontant le Sinnamary, moment magique sur le fleuve et bientôt les lumières de cette belle petite commune de Guyane. A vivre absolument !