Si Kourou est connue pour son centre spatial aujourd'hui, c'est surtout son histoire passée qui la rend célèbre et plus particulièrement ce qui s'est déroulé à quelques encablures au large sur les 3 îles du Salut nommées Royale, Saint Joseph et l'île du Diable.
Nous avons donc pris 2 jours pour découvrir cet archipel mystérieux que nous allons aborder tels des pirates. Pour ce faire direction la Pointe des Roches à Kourou où nous avons rendez-vous à 7 h 30 du matin pour un embarquement à bord d'un catamaran capable d’accueillir 24 personnes. Au bout du quai un frêle esquif nous attend et nous faisons la navette jusqu'au voilier par groupe de 7. Heureusement que l'entrée du fleuve Kourou est calme car nous sommes au ras de l'eau. Première étape de franchie sans encombre. Nous prenons place à bord et désormais nous avons le sentiment d'être beaucoup plus en sécurité car nous avons tous des places assises à l'abri d'un auvent qui nous protégera aussi bien du soleil mordant que de l'averse tropicale.
Par ailleurs à l'avant, de larges filets relient les 2 coques et servent aussi de zone d'accueil pour les 12 courageux qui souhaitent faire le voyage juste au-dessus des vagues.
Nous rejoindrons les îles au moteur et le retour quand à lui s'effectuera sous voiles si la météo le permet. Le départ se fait en douceur et la mer est d'huile. Nous profitons encore un peu de la côte et nous apercevons sur notre gauche la tour Dreyfus qui porte bien sûr le nom du plus célèbre pensionnaire du bagne de Guyane, Alfred Dreyfus. Cette tour située sur un promontoire face à la mer fut mise en service vers 1850 et servait de sémaphore pour communiquer avec les îles du Salut que nous atteindrons dans une trentaine de minutes.
La Tour Dreyfus vue du catamaran ! |
Prise au filet ! |
Saint Joseph |
Le voyage aller se fait tranquillement et nous voguons en ligne droite vers les îles au milieu d'un chenal délimité par de grandes bouées rouges et vertes qui servent évidemment de refuge à de nombreux oiseaux de mer. Le catamaran glisse sur l'eau et nous voyons l'archipel de plus en plus distinctement. De loin on a l'impression qu'il n'y a qu'une île mais au fur et à mesure de notre approche on prend conscience de la forme de cet archipel, triangulaire. On file droit au milieu et maintenant apparaît le passage entre Royale à bâbord, et Saint Joseph à tribord. Encore quelques minutes et l'île du Diable se dessine sur l'horizon pour constituer la pointe Nord de notre triangle.
île du Diable |
Le catamaran fait demi-tour lorsque nous touchons presque l'île du Diable et se dirige maintenant vers le chenal qui sépare cette dernière de Royale. Sur notre droite nous apercevons un bâtiment entouré d'un haut mur, ce fut la prison du capitaine Dreyfus, déjà cité plus haut. C'est le moment d'un peu d'histoire et de géographie.
Extrait de "l'histoire du bagne de Guyane" de Guy Marchal :
"J'ai mission de vous faire vivre une vie nouvelle, en France, vous êtes des criminels, ici je ne veux voir que des hommes repentants". C'est ainsi que s'adresse le commissaire général de la Guyane, Sarda Garriga, aux premiers condamnés à leur arrivée aux Îles du Salut en mai 1852. Ils sont 298 et 3 déportés politiques partis de Brest le 31 mars 1852 à bord de la frégate l'Allier.
L'histoire du bagne de Guyane vient de commencer. L'île du diable sert d'abord de léproserie pour y déporter en fait tous les malades car on imagine bien toutes les épidémies diverses et variées qui peuvent survenir et qu'il convient d'isoler rapidement. L'accès est difficile et le courant très fort sans compter les requins très présents à l'époque. 1895, Alfred Dreyfus est condamné. Il est installé sur cette île d'abord dans une simple cabane en pierre puis à partir de 1897, même s'il récupère plus d'espace une palissade est montée lui coupant toute vue sur la mer. Il va passer 1517 jours sur cette île et tiendra en dessinant, en lisant et surtout en écrivant plus de 1000 lettres à l'attention de son épouse. Il sera toujours un prisonnier modèle et fera parti des survivants ayant résisté à un climat équatorial où tout moisit avec ses successions permanentes de pluies torrentielles suivies de chaleur torride, à une faune insidieuse formée de moustiques et de fourmis et comme il l'écrit dans son journal, à des conditions de détentions où le silence règne partout hormis le seul bruit répétitif et lancinant du choc des vagues qui déferlent sur les rochers et le bruit du vent.
En ce qui nous concerne rien de tout cela bien sûr sauf chaleur, averse et moustiques. Le catamaran continue sa course sereine et nous contournons maintenant l'île Royale par la droite ce qui nous permet d'apercevoir sa côte rocheuse créant un joli contraste de couleurs entre le noir volcanique et le vert tropical des cocotiers.
Une frégate superbe nous accompagne quelques instants puis le catamaran se colle à la jetée pour un débarquement direct sur le quai, nous venons de poser le pied sur l'île Royale, l'aventure peut commencer.
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