mardi 30 mars 2021

Saûl, au coeur de l'Amazonie guyanaise ! Dernier épisode

Montagne pelée et Gros arbres.

Notre avion est à 15 h et nous avons rendez-vous à 14 h sous le carbet central pour y être récupérés par la navette qui nous déposera à l'aérodrome moyennant 5 euros par personne. Nous profitons de cette dernière matinée pour enchaîner 2 balades courtes aux profils très différents. Commençons par la plus courte mais la plus raide, 20 min d'ascension du belvédère pour atteindre le sommet de la montagne pelée.

Nous quittons notre gîte et prenons immédiatement à gauche pour rejoindre le sentier qui débute à l'extrémité du chemin qui passe devant "Chez Lulu" où nous avons pris notre repas du soir le jour de notre arrivée.

Peu de transition, un petit pont et on s'enfonce dans un sous-bois pour attaquer franchement la pente. A froid, c'est chaud ! Toutefois cet effort est récompensé par la vue qui nous est offerte en arrivant au sommet.



Les derniers mètres nous font accéder à une terrasse couverte en bois construite sur un rocher. A cette heure matinale une légère brume s'élève au dessus de la forêt et pose un voile blanchâtre sur les maisons de Saül que nous apercevons en contrebas.


De l'autre côté la canopée à perte de vue avec un géant qui s'en est extrait.

Nous redescendons rapidement pour rejoindre l'autre sentier et apercevons dans la pente une magnifique cabosse de cacao. Elle n'est pas là pas hasard car nous longeons la propriété d'un couple de planteur de cacao "Guiana", l'espèce spontanée de Guyane. Nous n'aurons pas eu le temps de visiter cette propriété et c'est dommage car il y a dégustations de chocolat et de soupe créole dont nous ne connaîtrons pas la recette.

Maintenant que nous sommes échauffés, attaquons le deuxième sentier, celui de Gros arbres et à votre avis que pouvons-nous espérer voir ? Des gros arbres bien sûr.


Le début du parcours est plutôt boueux et pour cause, il est empruntable par les quads. Ce n'est pas très agréable pour progresser et on passe son temps à sauter d'un bord à l'autre du sentier. Enfin on retrouve de bonnes sensations et le plaisir de marcher. L'humidité reste présente et les infrastructures mises en place facilitent notre pérégrination. Pas de nature exceptionnelle pour l'instant, on devient difficile. 



Et comme souvent c'est le monde liliputien qui nous apporte ses petites merveilles. Toujours aussi remarquable !

Elle est pas belle la bête ?


Un panneau attire notre attention, "la boucle du sablier". Nous nous y engageons en prenant bien soin de garder notre équilibre et de ne pas glisser sur les "pas japonais". Quelle forme peut bien avoir ce sablier ? Un arbre sculpté ? Un rocher usé par le ruissellement ?

Vous voulez du remarquable et bien en voilà. En fait le sablier est une espèce d'arbre. Celui-ci fait 3 mètres de diamètre et c'est le plus grand spécimen recensé de Guyane. Ses autres noms sont Hura Crépitans ou Pet du diable ! En effet ses fruits éclatent littéralement au contact de l'eau lorsqu'ils tombent à maturité en faisant un son caractéristique. Nous ne pouvons pas hélas en témoigner !


Après le géant, retour au petit et c'est avec un grand plaisir que je vous présente une nouvelle grenouille, l'Atelopus spumarius, dite grenouille Arlequin, allez savoir pourquoi !


Et un fromager, un ! On se sent tout petit !


Il est pas beau le char d'assaut ?

Sauterelle prête à bondir !

Nid de guêpes !

Encore un géant !

La boucle est presque bouclée et il est temps de se remettre en condition. C'est peut-être un peu tôt car il reste la piste de quad à franchir.

Comme toujours au moment où on ne s'y attend pas, nous allons vivre un petit moment de poésie avec un magnifique Caligo dit papillon chouette. Pas farouche du tout il est d'abord attiré par mon chapeau sur lequel il se pose en toute tranquillité. Je peux bouger en douceur sans l'inquiéter. Le camouflage du couvre-chef y est sûrement pour quelque chose cependant il recherche manifestement des fleurs car maintenant il poursuit son vol délicat pour se poser sur le tee shirt jaune de Béatrice et là encore on peut le photographier sans se presser.

 

Son surnom de Papillon chouette est aisé à comprendre car on imagine bien l'apparition de ce volatile lorsque monsieur Caligo déploie ses ailes pour mettre en valeur sa livrée. En outre une autre caractéristique lui offre une protection supplémentaire et pour mieux s'en rendre compte j'ai mis pour cet article une photo de ce papillon prise à une autre occasion et beaucoup plus explicite. 

Je ne l'avais pas remarqué la première fois que nous avions aperçu ce papillon mais maintenant c'est flagrant. Je vous laisse quelques instants de réflexion avant de vous livrer le secret.

Vous avez trouvé ? Regardez bien la partie basse du papillon, et oui, un serpent apparaît clairement avec sa tête et ses épaisses lèvres à gauche. Je vous jure que je n'ai pas truqué la photo. La nature est exceptionnelle.
Encore quelques photos et il faut songer à rejoindre le gîte et récupérer nos bagages. Tout à une fin !


La navette est à l'heure et nous rejoignons l'aérodrome en 10 min.

Les formalités sont vites effectuées car nous serons 4 à embarquer et il n'y a plus qu'à attendre notre "taxi" devant cette belle fresque en mosaïque réalisée par les élèves de l'école de Saül en 2014.

"Taxi" à l'approche !

Et voilà fin de cet excellent séjour en terres vierges que nous recommandons absolument pour qui veut découvrir une facette unique de ce territoire ! Au revoir Saül !


dimanche 28 mars 2021

Saûl, au coeur de l'Amazonie guyanaise ! épisode 4

 Sentier Roche Bateau.

Après une bonne nuit et un petit-déjeuner pris tranquillement sur la terrasse de notre carbet, nous préparons nos sacs pour une longue journée. Si la randonnée du jour n'est pas la plus compliquée en revanche c'est la plus longue avec ses 14 km. Elle est annoncée en 7 h mais avec nos pauses photographiques on s'attend à passer un peu plus de temps dehors.


Ce qui caractérise le début du parcours c'est le sol trempé. Il a énormément plu les derniers jours, les criques ont un niveau élevé et le sentier n'a pas vraiment eu le temps de sécher. Nous allons donc devoir patauger régulièrement et même franchir des zones boueuses. Signe que la région est très humide, la présence de très nombreuses passerelles ainsi que de "pas japonais" formés de tranches de troncs d'arbres posées à même la terre.





On en a souvent vu sur le littoral mais pas autant que pendant cette randonnée, ce sont les terriers de tous les mammifères qui rôdent en forêt. Dommage que l'on ait vu que les trous !

En étant parti de bonne heure, nous profitons d'une belle lumière en sous-bois et tous les palmiers-poubelles s'offrent tels des bouquets de fleurs. A ce propos l'un d'entre eux nous présente une magnifique grappe de fruits. Nous n'avions pas encore eu l'occasion d'en apercevoir. Pour les botanistes en herbe quelques explications. Pendant longtemps je croyais que le palmier-poubelle était unique, en fait il y a au moins 2 espèces différentes. A première vue ce sont des vrais jumeaux et la différenciation se fait au niveau des 2 feuilles terminales situées au bout de chaque palme. Celles du Mourou-mourou sont plus larges que celles du Counana. Une autre différence apparaît quelques années plus tard, le Mourou-mourou finit par avoir un tronc mais il faut être patient car il pousse de 2 m environ en 100 ans. Bon courage !


Fruit du Counana


Nous déambulons tranquillement sur un sentier bien balisé mais la vigilance doit toujours être de mise car on ne sait jamais ce qui se cache derrière un tronc. Quand on dit qu'il ne faut jamais se tenir ou s'accrocher à une branche sans avoir préalablement examiner le support c'est la même chose pour les troncs d'arbres. Qui se promène derrière le marquage ? 

Une magnifique scolopendre. Mais attention, c'est un animal carnassier et parfois venimeux avec une morsure qui peut-être douloureuse. Rapide avec leur grand nombre de pattes, elles sont cependant facilement effrayées et rebrousseront chemin en cas de rencontre fortuite, mais quand même...


La rencontre suivante est beaucoup plus sereine voire poétique. Juste au bord du sentier, délicatement posées sur une liane, 2 superbes orchidées blanches, des Stanhopéa Grandiflora. Il faut s'approcher d'elles pour sentir une odeur très légèrement fruitée et admirer les détails en gros plan d'une plante en "porcelaine".




Ce qui nous frappe aussi lors de cette randonnée, c'est cette impression de grande visibilité horizontale. Bien sûr il y a des passages plus oppressants mais une chose est sûre la végétation est moins dense et on peut alors apprécier à sa juste valeur la majesté des grands arbres. Ce sentiment se poursuivra tout au long de cette journée. En fait nous cheminons en pleine forêt primaire, là où la nature est encore préservée de l'intervention humaine.



Et au milieu de tous ces géants n'oublions pas de regarder où l'on met les pieds car on pourrait écraser ce criquet ou encore ce petit serpent de 80 cm qui est passé juste derrière moi sur le chemin.






Un peu plus oppressant !

Dépêchez vous de passer, je vais pas tenir longtemps !

Merveilles de la nature !




L'avez-vous reconnu le Mourou-mourou bi-centenaire ?

Parmi les curiosités de cette région il y a aussi la quantité impressionnante de "figuiers étrangleurs". Je connaissais le boa constrictor qui étouffe ses proies et bien le même phénomène existe dans le monde végétal mais l'échelle du temps n'est évidemment pas la même.
A la différence des plantes épiphytes pour qui le support est indifférent, le figuier va s'en nourrir. Vous prenez une déjection d'oiseaux ou de primates qui contient une graine de ce boa végétal, vous la faite atterrir sur la branche d'un arbre, vous venez de signer l'arrêt de mort de ce dernier.
La graine va germer à la cime et forme ses premières racines qui s'enroulent autour du tronc pour aller chercher le sol et s'y planter afin de puiser les premiers nutriments nécessaires à sa croissance (photos suivantes). Pendant ce temps, d'autres racines poussent horizontalement ou commencent leur ascension à la recherche de la lumière. Toutes ces racines se croisent et se recroisent jusqu'à former un enchevêtrement parfait duquel l'arbre hôte ne pourra jamais se défaire. Telle une pieuvre serrant sa proie, l'étouffement est en route et bientôt, c'est une façon de parler, l'arbre emprisonné pourrit et disparaît, laissant un trou béant à l'intérieur du figuier. Ce dernier possède alors un tronc remarquable puisqu'il se compose uniquement de racines pouvant mesurer jusqu'à 30 m de haut. Béatrice pose sereinement auprès de ce dernier.

Gros plan vers le sommet !


Nous progressons depuis 4 heures lorsque nous atteignons la crique nouvelle France et son rocher caractéristique qui donne son nom à cette randonnée. Telle une proue de navire ce gros caillou s'avance sur la crique. Une passerelle permet de franchir au sec cette partie délicate mais entre la crique pleine à craquer et le pont prêt à s'effondrer, disons que l'on finit quand même les pieds mouillés.


Roche bateau !


Tableau surréaliste ou vraies lianes ?

A partir de maintenant nous avons une bonne heure de marche entre sols secs, boueux ou carrément trempés. Nous longeons d'ailleurs plusieurs criques avant de reprendre une progression plus académique.

Gentil épiphyte !

Gentil lézard !

Stand photo !




Passerelle très glissante ! On ne le voit pas sur la photo mais le côté gauche du pont est totalement affaissé.

Qui se cache au milieu de la photo ?


Encore une merveille dont j'ignore le nom !




Plus que 5 940 m ! et 3 heures de marche !


Nous venons d'atteindre Point chaud et son carbet pique-nique. Pour nous point de pique-nique mais une petite halte pour admirer les fameux polissoirs à outils qui sont l'héritage culturel le plus visible de la présence ancienne amérindienne. Le site où nous nous trouvons compte à lui seul pas moins de 198 polissoirs. Nous nous contenterons d'en admirer une dizaine.


Graines du Wapa



La suite du parcours va nous offrir tout autant de merveilles et je ne résiste pas à l'idée de vous montrer les plus petites du jour. Une mante religieuse visible grâce au zoom de l'appareil photo et à l'œil averti de Béatrice, quasiment à côté cet insecte rouge tout droit sorti d'un dessin animé et une mouche, dont je n'ai rien à dire si ce n'est qu'elle a aussi le droit d'être mise en avant.




Nous venons de déboucher sur la piste qui mène à l'aérodrome, nous en avons donc encore pour 20 min avant d'atteindre notre gîte. Nous venons de passer une superbe journée dont 8 heures auront été consacrées à parcourir ce sentier Roche bateau que nous conseillons vivement à tout le monde de réaliser en priorité si vous n'avez pas le temps de tout faire. Forêt primaire, arbres gigantesques, petit dénivelé, nombreuse criques, que des atouts !