Depuis notre arrivée en Guyane nous avons emprunté de nombreux sentiers mais il nous en reste un à accrocher à notre tableau de chasse et pas des moindres, le sentier Molokoï. Avec ses 18 km, en théorie, et ses 700 m de dénivelée, il ne paraît vraiment pas "impressionnant" mais c'est sans compter le climat local.
Le sentier va nous permettre de découvrir la forêt tropicale à travers une longue marche allant de la RN2 jusqu'au bourg de Cacao. Nous serons en totale immersion dans le patrimoine naturel régional avec notamment le passage de très belles criques préservées.
Comme ce sentier offre aussi, à mi-parcours, un espace de bivouac pour passer la nuit qui permet de faire une halte au milieu de cette randonnée sportive, nous prenons donc l'option sur 2 jours.
Ce circuit se fait en aller-simple, aussi faut-il mettre en place toute une logistique pour assurer la partie transport et récupération ou alors on passe par un prestataire comme Quimbe Kio. Situé à Cacao et proche du sentier, c'est un gîte qui offre le vivre et le couvert et en plus le guide qui tient ce carbet nous dépose le matin au début du sentier au départ de la RN2 proche de l'auberge des orpailleurs.
Nous arrivons donc le mercredi en fin de journée pour profiter d'un bon repas chaud et passer une première nuit en hamac. Situé sur les hauteurs de Cacao, le gîte nous permet d'avoir une belle vue aérienne et à la nuit tombée nous allons partager un très bon moment et le souper avec nos hôtes.
Jeudi matin. Cette première nuit en hamac nous a mis dans l'ambiance et après un bon petit-déjeuner avec du pain grillé nous embarquons à bord d'une camionnette et rejoignons le point de départ de notre randonnée au bord de la RN2. Comme nous partons pour 2 jours, je dois emporter tout le nécessaire et j'ai sur le dos toute notre maison soit 25 kg. Quand je pense qu'il paraît que pour être confortable un sac ne doit pas dépasser 10% du poids de celui qui le porte soit 7,5 kg pour moi. C'est sur, je vais le sentir passer mais pour l'instant je n'y songe pas encore et de toute façon l'excitation du moment l'emporte largement sur cette triste pensée.
Le début du sentier longe des exploitations agricoles et le paysage est plus bucolique que tropical à cet instant. Nous progressons tranquillement pendant une trentaine de minutes avant d'atteindre la forêt et les premières montées sont apparues.
Carbet Molokoï. Cette fois pas de doute, nous sommes dans la bonne direction et maintenant l'immersion tropicale est totale et nous n'en sortirons plus avant le village de Cacao. Pour se mettre dans l'ambiance rien ne vaut un bon chablis puis un passage de crique. Nous ne le savons pas encore mais cette première crique est la plus profonde du parcours entier. Laurent qui nous accompagne passe dedans et se retrouve avec de l'eau à la ceinture du pantalon, avec Béa on prend l'option tronc d'arbre mais je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. Avec cette humidité permanente, cette poutre naturelle est une vraie savonnette mais heureusement elle est suffisamment large pour pouvoir assurer la pose des pieds. N'empêche qu'avec le poids du sac je me rends bien compte qu'il va falloir être patient et prendre son temps.
Le parcours du combattant ne fait que commencer et à regarder Béa on a même l'impression qu'elle survole les obstacles. Je suis un peu moins aérien. Le passage suivant est particulièrement humide et de drôles de racines en forme de boucle se dressent devant nous comme autant de pièges. Il s'agit de pneumatophores. C'est une excroissance spécialisée des racines de certains arbres des milieux humides qui se dresse à la verticale au-dessus des sols et des eaux, avec sa structure aux tissus spongieux elle peut transmettre l'oxygène au reste des racines. Encore un miracle de la nature !
La progression reprend plus sereinement même s'il faut toujours faire preuve de vigilance car le sol est souvent couvert de racines. Mais profitons de tout ce qui nous entoure et à l'allure à laquelle nous avançons l'observation est aisée.
Je n'imagine même pas la taille de la bouteille que l'on peut ouvrir avec ce tire-bouchon !
Encore un chablis à franchir ce qui me permet paradoxalement de me reposer un peu car je peux alors soulager mes épaules en posant le sac sur le tronc. Mais ne le répéter pas !
Nous sommes à peu près à mi-parcours et avons atteint la partie sommitale de cette première journée lorsque nous tombons sur l'une des plus remarquables curiosités de ce sentier. Un ébène rose absolument gigantesque et surtout présentant la particularité d'être creux avec un accès pour les plus courageux. Juste incroyable ! Aujourd'hui pas de monstres mais une petite araignée et apparemment une chauve-souris !
Le sentier commence à redescendre mais la marche n'est pas plus aisée. Racines, boue, latérite glissante, autant d'obstacles à franchir pendant encore 2 bonnes heures. Le dernier kilomètre longe une crique et nous passons en mode gymkhana, Je monte, je redescends, je passe dans l'eau, je re-monte, je re-redescends, le sentier n'en finit pas et nous passons devant le panneau 12 km. Oups ! Normalement il est indiqué un parcours de 11 km pour cette première partie. Sommes nous allés trop loin ?
Cela fait bientôt 6 heures que nous avons quitté la RN2 lorsque nous apercevons les carbets qui marquent la fin de notre première étape. Déposer le sac et vite à l'eau pour un rafraichissement bien mérité avant un autre rafraichissement qui sera aussi le bienvenu ! L'environnement est très agréable. Il se compose de 2 carbets "couchage" pouvant accueillir 16 hamacs et d'un carbet "cuisine" avec 2 tables et un barbecue abrité. Nous prenons nos aises en installant nos hamacs et après une bonne remise en condition, nous rejoignons la "salle à manger" pour préparer notre soirée.
Du bois sec, une allumette et de la patience, il ne faut rien de plus pour allumer un feu qui aura pour objectif de nous mettre dans l'ambiance car en vérité nous avons tout ce qu'il faut pour s'en passer, mais une petite flambée est bien agréable pour la vue, chasser les moustiques et accessoirement réchauffer une boîte de ration.
Diner aux chandelles au cœur de l'Amazonie, que du bonheur !
Nous préparons tranquillement notre repas lorsqu'un groupe de 4 personnes arrive depuis le sentier en provenance de la RN2. Il s'installe dans le 2° carbet et commence aussi ses préparatifs pour la nuit qui devrait tomber dans moins d'une heure. Leur petit carbet dispose de son propre foyer aussi reste-t-il à l'écart. 15 min plus tard c'est trois jeunes femmes qui débouchent à leur tour du même sentier ! Mince alors, heureusement que nous sommes en milieu de semaine. Nous devons alors déménager nos hamacs car nous avons pris vraiment trop nos aises. Peu importe l'essentiel est de mettre tout le monde à l'abri du carbet et de ne pas avoir à s'installer en pleine forêt sous nos bâches (que j'avais quand même emportées au cas ou... qu'est-ce qu'il pèse "le cas ou".
La soirée va se poursuivre dans le calme et nous rejoignons rapidement nos hamacs pour une nuit que nous espérons la meilleure possible car demain il nous faut repartir de bonne heure et remettre le sac sur le dos.
Pour ce premier jour, nous aurons passé 6 heures sur le sentier, marché environ 4 h 30 et franchi un dénivelée positif de près de 500 m pour 400 m de descente. Les guides indiquent 11 km pour cette première partie et mon Gps me donne 12,9 km. J'ai tendance à lui faire confiance surtout que nous avons vu un panneau 12 km, vous vous souvenez ?
Allez, au dodo et à demain !