jeudi 31 octobre 2019

Le lac de Petit Saut - 2° journée

2° journée.

Les singes hurleurs ne se sont pas manifestés trop longtemps hier soir et par conséquent la nuit fut plutôt correcte surtout pour Béatrice qui venait de dormir en hamac pour la première fois. Expérience réussie et finalement appréciée car le confort est au rendez-vous malgré un à-priori défavorable quand on songe à la position que l'on va prendre, allongé sur le dos et un balancement digne d'un navire en pleine tempête, LOL. En pratique, on peut se mettre de côté et le balancement ne dure pas longtemps, le plus difficile en fait dans l'apprentissage c'est de monter et de descendre.

Amazone
Au programme du jour, sortie pirogue, pêche pour pouvoir manger, baignade et lavage du corps, observation de la faune et nouvelle sortie nocturne. En partant de bonne heure, nous mettons toutes les chances de notre côté pour apercevoir au mieux les différentes espèces d'oiseaux présentes sur le lac.

Rapidement Ronan nous emmène sur les bons spots, et les premières perruches apparaissent. Il y en a de nombreuses sortes, toutes plus éclatantes les unes que les autres. c'est un festival de couleurs.

Ensuite les aras passent en couple et les toucans nous narguent en volant autour de nous pour toujours rester à bonne distance. Nous profitons aussi de la beauté des paysages avec souvent de magnifiques effets de miroir lorsque nous pénétrons avec délicatesse dans des bras du lac seulement troublés par notre présence.
Toucan

Ara



Soudain un animal attire notre attention car ses couleurs fauves nous laissent espérer un instant que c'est un jaguar, l'animal le plus difficile à voir en Guyane. Le doute est permis et Ronan progresse avec une extrême lenteur, moteur arrêté. On approche de la berge et la forme reste imprécise au milieu de toute cette végétation. On la contourne un peu pour avoir un meilleur angle et enfin l'animal sort de sa cachette... c'est juste un oiseau. Juste un oiseau peut-être mais quand même une espèce très rare de héron, le butor étoilé, que nous ne verrons qu'à cette occasion, une belle prise photographique tout de même qui fera plus d'un envieux. Beau moment plein d'émotion !

Nous reprenons notre progression nautique et les oiseaux continuent de se montrer tel cet Ani des palétuviers au bec tellement caractéristique.

L’œil exercé, Ronan nous signale des tâches noires à la cime de grands arbres. Les jumelles sont de sortie et nous avons la chance de tomber sur une famille d'atèles qui se livre en toute tranquillité à des exercices de haute voltige.


Une fois de plus l'embarcation est mise en panne et nous profitons de ce spectacle pendant une quinzaine de minutes. La distance est telle qu'ils se sentent en parfaite sécurité ce qui explique qu'ils poursuivent leurs acrobaties malgré notre présence.





Il est temps maintenant d'aller chercher notre repas du soir car Ronan a tous les accompagnements nécessaires mais encore faut-il y ajouter quelques protéines. Un fil, un gros hameçon et des petits poissons pêchés le matin même devraient faire l'affaire. Nous allons ainsi pendant une demi-heure pénétrer dans différentes petites criques et jeter nos lignes dans les eaux sombres du lac mais rien ni fait. Qu'à cela ne tienne, on remettra ça plus tard et en attendant le repas de midi qui sera pris sous un petit carbet aménagé nous profitons d'une petite rivière aux eaux claires cette fois pour une baignade très appréciée. Les plus courageux sortent le savon et font un brin de toilette.



Après un repas frugal, nous retournons au campement et sur le chemin du retour des traces très visibles sur une berge attirent notre attention. Il s'agit de traces de loutres. Nous ne les verrons pas à l'oeuvre, dommage car pour faire toutes ces marques elles se servent de la rive comme toboggan et montent et remontent pendant un long moment. Elles marquent aussi de cette façon leur territoire.
Traces de loutres

De retour à terre, nous rejoignons nos hamacs pour un repos réparateur car la chaleur est toujours très présente et il est difficile de se protéger de la morsure du soleil à bord de la pirogue. Le programme va se poursuivre en milieu d'après-midi par une nouvelle sortie d'observation et surtout de pêche car à cet instant nous n'avons toujours pas notre repas de ce soir. 

Une araignée se promène sereinement sous notre toiture fait de bâches. Ce pourrait être une Phoneutria, mais je suis preneur de toute information. A en croire les sites spécialisés, elle serait plutôt dangereuse à cause de son venin mais pas agressive. Passons notre chemin ! Elle va disparaître comme elle est venue sans que l'on ne s'en rende compte.


Retour à l'embarcation pour la partie de pêche. Nous retournons sur le lac et une tentative va suffire pour attraper non pas un mais 2 poissons de près de 5 kg chacun, des Aïmaras, redoutables carnassiers dont il vaut mieux éviter la mâchoire. Ronan en préparera un sous forme de blaff, sorte de ragoût où le poisson mijote dans un court-bouillon qu'il aura agrémenté de carottes et de choux, et l'autre il va le boucaner pour pouvoir être conservé jusqu'au lendemain. Rappelez vous on est en pleine forêt !


Avec la pêche nous poursuivons bien sûr nos observations et le temps passe lentement au milieu du cri des oiseaux qui passent sans cesse. Cette expédition est très reposante, c'est vraiment une excellente manière de se ressourcer.





La nuit va tomber dans une demi-heure et il faut revenir au campement car il y a de la cuisine à faire. Nous mettons tous la main à la pâte et rapidement l'odeur du court-bouillon embaume l'atmosphère ce qui est assez irréel dans notre contexte. Parallèlement Ronan a préparé le 2° poisson et surtout le "four" qui va servir à le boucaner, à le faire sécher à la fumée. C'est une technique utilisée en jungle car c'est la seule manière de conserver la viande ou le poisson. On construit un support en bois que l'on recouvre de feuilles mais pas n'importe lesquelles, et on y dépose le poisson parfaitement vidé et nettoyé. On le recouvre des feuilles et à partir de maintenant, beaucoup de patience, car il faut alimenter le feu en continu pour qu'il fasse de la braise et de la fumée mais surtout pas de flamme. Ronan va se relever plusieurs fois dans la nuit pour nous permettre de déguster un bon produit demain midi.

Le blaff est délicieux et après une part de cake avec du chocolat et un bon café, direction la pirogue pour notre 2° sortie nocturne. Ce soir encore la chance nous sourit et nous allons approcher au plus près quelques beaux spécimens de caïmans. Il faut avouer que ce sont des animaux très photogéniques et entre flash et frontales on obtient des couleurs magnifiques, avec la nuit les contrastes sont accentués et les détails de leur peau se révèlent parfaitement.


 


Dernière nuit en forêt, on retrouve tous nos hamacs avec la satisfaction d'avoir encore vécu une très belle journée au sein d'univers aquatiques et végétales hors du commun. Bonne nuit à tous !


mercredi 30 octobre 2019

Le lac de Petit Saut - 1° journée

La saison sèche est propice à la découverte de certains environnements surtout lorsque l'on envisage de passer 2 nuits dehors en hamac. Ayant trois jours de disponible, nous décidons alors de repartir avec Pierre, notre précédent guide aux chûtes Voltaire, direction le lac du barrage de Petit Saut pour une expédition naturaliste associant navigations et randonnées.

Nous avons rendez-vous à 8h30 à l'entrée de la route de Petit Saut située au PK85 sur la RN1 entre Kourou et Sinnamary. C'est très facile à trouver d'autant qu'un grand porche métallique marque clairement le début de cette petite route goudronnée que nous allons emprunter pendant 26 km avant de suivre à gauche le panneau indiquant "saut Lucifer". Maintenant il faut rouler prudemment car la piste est un peu dégradée et cinq minutes plus tard, après une légère montée, nous pouvons apercevoir en contrebas l'embarcadère.
Pierre a délégué son rôle de guide à Ronan qui va nous accompagner pendant ces trois jours. On gare nos véhicules dans le parking placé sous surveillance et notre groupe de 5 rejoint un couple et une personne seule pour former l'équipage de cette expédition. Ce lac est le résultat de la construction d'un barrage hydroélectrique qui a débuté en 1989 pour une durée de 6 ans. Inutile de dire que le sujet fut brûlant car cela provoqua l'inondation de plus de 360 km2 de forêt amazonienne. Nous embarquons et rapidement nous apercevons les premiers arbres morts qui dépassent à la surface. Nous aurons l'occasion d'en voir énormément et même de très près parfois car l'embarcation les touchera. 

Des murs de pierre apparaissent aussi, il s'agit des ruines inondées d'un ancien centre pénitentiaire dit "Saut Tigre". En fait il y en avait trois de ce genre (un 2° à Apatou et le 3° à Tonnégrande), ils avaient été mis en place pour y incarcérer les indépendantistes indochinois de 1931 à 1942 et aussi bénéficier de main d'oeuvre à bas prix. Ce qui apparaît aujourd'hui c'est l'ancienne maison du commandant car elle dominait l'ensemble du centre. Des fanas de plongée viennent explorer des fonds particulièrement troubles.



Nous allons naviguer près de 2 h 30 à travers ce décor étrange mêlant arbres morts et végétation luxuriante, nul point de repère pour des touristes comme nous mais pour Ronan c'est un terrain connu et nous accostons enfin en pleine forêt, 56 km ont été parcouru selon le GPS. Nous débarquons tout le matériel nécessaire pour 2 jours et 2 nuits de bivouac et après avoir installé nos hamacs sous le carbet-bâche mis à disposition par l'organisation nous passons à table et profitons des premiers talents de cuisinier de Ronan qui nous a concocté une bonne salade de crudités.

Le campement dispose de véritable toilette sèche et le luxe est poussé à l’extrême car il y a même une véritable lunette et ... toutes les bébêtes familières de ce type d'endroit. 

Après le repas nous prenons du repos car la chaleur est écrasante et l'ombre des grands arbres est un vrai bonheur. Nous allons ainsi attendre jusqu'à 16 h puis nous embarquons pour une courte traversée afin de rejoindre un sentier de randonnée que nous allons emprunter pendant un peu plus d'une heure pour découvrir la flore locale toujours à l'abri du soleil. Ronan nous apporte plein d'informations et nous aurons l'occasion de voir entre autre une magnifique liane "tortue".


Après cette promenade fort agréable, nous rejoignons notre embarcation et nous ne la quitterons plus jusqu'au coucher du soleil. Maintenant c'est le règne des oiseaux et des singes. Pendant une heure nous allons en prendre plein les yeux car toutes sortes de volatiles vont apparaître (buse, anhinga, martin pêcheur) et juste avant le coucher du soleil le cri rauque des singes hurleurs va nous permettre de les localiser.



Martin pêcheur
Buse


Anhinga
Après cette navigation toute en douceur à la recherche de la faune, il est temps maintenant de prendre un apéritif presque seul au monde, ou plutôt 9 au monde, seuls au milieu de cette étendue d'eau avec le coucher de soleil comme spectacle aux multiples tableaux. Moment magique ! 

La nuit est tombée lorsque nous reprenons pied sur la berge où se trouve notre campement. Ronan relance le feu et prépare le repas du soir composé de riz arrosé d'une sauce au curry dans laquelle ont cuit du poulet, du choux et des carottes. Un régal au cœur de cette forêt plongée dans la pénombre. Ces instants de partage sont très agréables et chacun y va de son anecdote ou simplement profite du moment présent.


Mais la journée n'est pas finie et Ronan nous propose une sortie pirogue de nuit à la recherche du caïman noir, rouge ou à lunettes, les trois espèces communes en Guyane. Alors on embarque et pendant 2 heures on va naviguer à la frontale au milieu des arbres fantômes, en scrutant la berge et en espérant apercevoir les 2 billes rouges caractéristiques de la présence du reptile préhistorique. Nous en localiserons 5 pendant ce périple et nous aurons la chance de pouvoir les approcher de très près, très très près. En fait l'animal n'est pas farouche et une fois dans le rayon lumineux il s'immobilise mais ne nous y trompons pas, au moindre doute il fuit à la vitesse de l'éclair et pourrait facilement broyer une main qui oserait le provoquer.



Voilà qui conclut parfaitement cette belle première journée et maintenant on saute dans le hamac et on s'endort en faisant de beaux rêves... avec les singes hurleurs qui pensent que c'est le moment de faire la sérénade. Heureusement cela ne dure pas et Morphée nous accueille enfin.