Nous continuons le tour des camps de Guyane et pour 2 jours nous rejoignons celui de Cariacou. Pour l'atteindre nous prenons la route de Kourou puis celle qui mène au dégrad Saramaca. PK 18 apparaît le camp des Maripas qui sert de base arrière à notre future destination. Ce premier camp situé au bord du fleuve Kourou dispose des espaces nécessaires pour y passer une belle journée avec restaurant, bar, ponton flottant pour la baignade et carbet pour y accrocher des hamac, mais ce sera pour une autre fois.
Pour aujourd'hui c'est une pirogue qui nous attend et nous embarquons pour 45 min de remontée du Kourou avant de poursuivre une vingtaine de minutes sur la crique Balata.
Nous échappons pour l'instant à la pluie qui menace et parvenons bientôt à l'entrée du camp. La crique Balata se resserre peu à peu et quelques arbres sont tombés en travers mais rien de gênant.
Louis, notre guide pour ces 2 jours, nous accueille dans un environnement fleuri et parfaitement entretenu. On peut accrocher son hamac sous quatre carbets de type traditionnel et tous les autres carbets communs sont reliés par des passerelles. Pour les moins rustiques, pas de panique, il y aussi 2 chambres à lits doubles. Nous faisons le tour du propriétaire et Louis nous indique ensuite nos zones de couchage.
Un arbre attire notre attention ou plutôt ses fruits. Avec ses 20 m de haut il trône en bord de camp, c'est un Jacquier. Pouvez-vous imaginer un fruit de 30 kg ? C'est le record du monde. Et comme originalité supplémentaire, le Jacque ne pousse pas sur une branche mais sur le tronc de l'arbre. Sa cueillette n'est pas chose facile et il est peu utilisé car en fonction de sa maturité il est fort en goût et en odeur.
Nous avons déposé nos affaires, installé les hamacs et après un premier repas pris dans la belle salle commune nous participons à l'activité de l'après-midi, la découverte du sentier botanique. Nous commençons à bien connaître ce genre de parcours mais aujourd'hui nous allons être très agréablement surpris car notre guide saramaca, Louis, va juste être remarquable. Il va aborder la visite sous l'angle des esprits de la forêt, tout en finesse et en démonstrations présentant des savoir-faire ancestraux.
Le sentier est un peu technique car avec toutes les pluies de ces derniers jours, le sol est saturé d'eau, une boue bien grasse recouvre les racines tandis que les troncs qui nous servent de passerelle pour franchir les petites criques sont glissants, que du bonheur pour Béatrice qui peut faire son sport quotidien !
Louis nous présente la végétation et son usage au fur et à mesure de la progression et nous ne voyons pas le temps passer. Une démonstration s'impose et bientôt nous stoppons dans une zone dense en palmier Mourou-rourou. C'est une plante que nous connaissons bien sous le nom commun de "palmier-poubelle". Sa couronne de palmes épineuses qui forme un entonnoir collecte les feuilles mortes tombant de la canopée faisant ainsi de l'humus tel un compost qu'il crée à son pied pour enrichir le sol. Attention à ne pas le confondre avec le Counana. En fait ils sont comme 2 gouttes de rhum, avec pour seule différence, les 2 pennes terminales des feuilles du mourou-mourou qui sont plus larges. Quand on le sait...
Louis commence son atelier en collectant des feuilles puis en les préparant en prenant bien soin d'enlever toutes les épines. Il rapproche deux palmes et tresse les feuilles avec dextérité. Le résultat est une fois de plus impressionnant d'efficacité et d'esthétisme. Sachant qu'il faut environ 4000 paires de palmes pour faire le toit d'un grand carbet je vous laisse faire le compte.
Après cet intermède botanique nous avons repris le chemin du camp pour y finir tranquillement ce premier après-midi. Nous mettons à profit ce temps libre pour recharger les batteries, rien à faire, juste laisser les minutes s'égrainer en écoutant les bruits de la forêt couverts parfois par le son de l'averse tropicale qui survient aussi rapidement qu'elle disparaît. C'est aussi l'occasion de "capturer" quelques animaux car on est sur leur territoire et on a le temps pour observer.
Cassique cul-rouge très bruyant et en abondance sur le haut des palmiers situés au centre du camp.
Capture photographique d'un volatile exceptionnel (pas la photo), un Caurale soleil. Ils étaient 2 à fréquenter le bord de la crique juste sur la berge opposée au ponton. Difficile de les prendre en vol mais lorsqu'ils déployaient leurs ailes alors apparaissaient un magnifique disque orangé.
Encore une capture unique et furtive, une colombe à front gris.
Quelques fourmis au pied du carbet !
Et encore une merveilleuse surprise ! Des hoccos. Depuis le temps que j'en entends parler. Pouvant faire jusqu'à 1 m et 4 kg ils fréquentent les sous-bois et les zones périodiquement envahies par les eaux, ici on a le terrain idéal. Ils aiment venir le long des lisières des forêts mais ils ne s'éloignent jamais très loin du couvert. Ils cherchent refuge dans les arbres et s'ils s'estiment gravement en danger, ils peuvent grimper jusqu'à la canopée, ponctuant leur ascension par des petits coups d'ailes et c'est justement ce qu'ils vont faire juste sous nos yeux.
Mais on aura eu le temps d'en profiter.
Poursuivons avec un Kentropyx des chablis, un lézard quoi !
Et un petit tangara des palmiers !
La météo est morose mais avec un bon parapluie ou un chapeau rien ne peut nous arrêter !
Le moment du dîner est très agréable comme toujours dans les camps et ce soir nous allons enfin réaliser une activité inédite, une sortie pédestre "nocturne". Elle sera brève mais déjà suffisante pour appréhender le monde de la nuit en forêt amazonienne. Frontale sur la tête et bottes aux pieds, en avant ! Tous derrière Louis qui ouvre la marche !
Nous empruntons le sentier du matin mais dans le halo de la frontale on ne reconnaît pas grand chose. Peu de bruit juste celui de nos pas et bientôt la première toile d'une araignée et ses dizaines de bébés. Puis une autre araignée qui laisse apparaître grâce au flash de l'appareil photo de très beaux motifs. On poursuit notre randonnée nocturne et on espère le gros lot à chaque fois que le rai de lumière de nos lampes se pose sur un tronc, une racine ou la large feuille d'un palmier.
Nous sommes bientôt arrivés au terme de cette balade lorsque notre 5° acolyte situé en dernière position nous interpelle. Quelque chose vient de traverser le sentier juste devant lui et file silencieusement sur sa gauche. Nous avons une fraction de temps pour nous retourner et apercevoir furtivement une forme orange longiligne s'éloigner dans la végétation. Il s'agit d'un boa de cook, espèce de serpent constricteur sans danger pour nous, enfin je crois ! Voilà une observation originale ! Ce sera la dernière avant le retour au camp et notre plongée au fond du hamac pour une nuit pleine d'images tropicales.
Après une bonne nuit nous attendons avec impatience un petit-déjeuner que nous sentons venir de loin grâce au pain grillé au feu de bois. Il a beaucoup plu et le niveau de la crique est monté de plus d'un mètre depuis notre arrivée hier. La berge opposée disparaît peu à peu.
Ce matin c'est de nouveau un peu de botanique en forêt pour les plus courageux en rejoignant une zone particulière en pirogue. Je dis "pour les plus courageux" car il pleut de nouveau très fort au moment du départ et la pirogue doit être écopée. En avant moussaillon !
Je troque mon reflex pour un appareil étanche et tente de vous immortaliser ces merveilleux moments plein d'humidité. Louis nous fait débarquer là où on ne s'y attend pas et pour l'instant le sol est encore visible, on aperçoit très bien les fameuses racines dîtes pneumatophores (voir article "le sentier Molokoï"). On progresse pendant 10 minutes au sein d'une végétation clairsemée pour arriver sur le lieu choisi par Louis pour sa démonstration du jour, et quelle démonstration !
Aujourd'hui le but de la leçon est de pouvoir rapporter les fameuses feuilles de palmier qui serviront à la fabrication des toitures et comme il en faut des quantités phénoménales évidemment on ne va pas les ramener une à une. Pour cela il nous trouve un beau palmier pinot aussi dénommé wassaï connu notamment pour ses baies violettes aux vertus antioxydantes et énergisantes.
Après avoir abattu l'arbre et récupéré les feuilles il en dispose 5 l'une sur l'autre et commence un savant tressage. On ne dirait pas mais il pleut toujours et cela ne perturbe évidemment pas notre super Louis. Avec patience et rigueur il achève bientôt son ouvrage et après la mise en place de quelques liens naturels à base de lianes souples, il dépose avec aisance l'assemblage obtenu en équilibre sur sa tête. Maintenant il peut progresser en forêt en ayant les mains libres pour pouvoir notamment se frayer un chemin avec le sabre. Il faut savoir que le nombre de palmes tressées ensemble peut atteindre 25 ce qui correspond à peu près à 25 kg sur la tête. A vous d'essayer !
Inutile de dire que faire un sac à dos sur mesure en fonction de la taille de la bête abattue est un jeu d'enfant...saramaca !
Et pour ne rien perdre de ce que la nature nous donne alors on finit par éplucher totalement le tronc pour en extraire le coeur au délicat goût noisette. Il va en ramener d'ailleurs une belle quantité qui sera servie en vinaigrette ce midi.
Après cette belle leçon de vie en forêt, il est temps de rentrer et j'ai l'impression que la marée est montée. En fait rien à voir avec la marée, juste le niveau de la crique qui continue à s'élever tranquillement. Cette fois on ne voit plus le sol par contre il ne pleut plus.
Retour au camp, remise en condition en s'habillant de sec et encore des bons moments de vécus. Du tir à l'arc est à notre disposition mais interdit de tirer sur les cassiques qui brayent au-dessus de notre tête ou ce lézard géant, le Téju, qui passe entre les carbets.
Téju d'un mètre !
Encore un bon repas de pris ce dimanche midi au sein d'un groupe très convivial puis il faut bien quitter le camp Cariacou que nous recommandons vivement. Une heure de pirogue et la voiture nous attend. Décidemment il fait bon vivre au coeur de la forêt ! Et si on vous parle de Louis, vous pouvez y aller les yeux fermés !